Fabienne, postière : aime être performante, déteste le manque de considération

Fabienne travaille depuis 13 ans comme guichetière dans un petit bureau de la Poste situé dans une commune de 3000 habitants. Dans son agence,  cinq personnes travaillent : deux guichetières (dont Fabienne), un conseiller financier, un « responsable » (dont Fabienne ne connaît pas en détails les responsabilités et qui se définit lui-même comme « bouche-trou »), et enfin, un directeur.

 

« J’aime la diversité, la relation avec les clients, et être performante »

 

Ce que Fabienne aime dans son métier, c’est d’abord la diversité des taches. Au guichet, elle ne s’occupe pas simplement des colis et des lettres. Il y a aussi les activités de la Banque postale (ouverture d’un compte, retraits, dépôts) et la Poste mobile (vente de forfaits téléphoniques). « Ce n’est pas répétitif et on apprend plein de choses ».

 

La relation avec les clients lui plait également. « Dans notre petite commune  la clientèle est âgée. Il y a rarement des mécontents, des insultes, comme dans les grands centres postaux. Les gens me connaissent et je les connais. On les conseille, on les guide… Pour les forfaits téléphoniques, les clients ont confiance en nous. Il préfère la Poste à un autre opérateur mobile. Parce que nous, on peut assurer l’après-vente bien mieux qu’un service hot line anonyme. Ça rassure beaucoup les clients. »

 

En 13 ans, son travail a beaucoup changé : « on fait de plus en plus de commercial », remarque-t-elle. Des objectifs de vente sont donnés par la direction. « Dans notre bureau, on gagne souvent le challenge qu’on nous a fixé. » Des performances qui se traduisent en avantages, comme des « chèques-cadeaux » et des « citations dans les réunions ». Mais ce n’est pas les carottes qui les font avancer. Fabienne explique qu’elle a été « remontée à bloc », suite à une formation sur la vente.  Du coup, elle et ses collègues sont très mobilisés. « On est toujours les premiers », se félicite-elle.

 

La stratégie pour doper les ventes du bureau est bien rodée : « par exemple,  quand une personne vient poster un colis simple, on lui propose un colis recommandé ou un colis ‘avec suivis’ ». Lorsqu’on lui demande si elle n’a pas le sentiment de pousser les gens à la consommation, Fabienne répond : « non, notre but est bien sûr de vendre des produits ‘à valeur ajoutée’ [terminologie qu’elle a apprise en formation], mais on explique aux gens l’avantage de tel ou tel produit, tout en lui laissant le choix. Ce que l’on vend à une vraie utilité ». Elle ajoute : « J’ai été aidée par mon directeur qui est très sympa. On s’entend bien avec lui. Un jour, il m’a fait remarqué que je parlais trop, j’expliquais trop, que mes phrases étaient trop longues… Ça embrouille les gens, et ils prennent du temps pour réfléchir, ils hésitent. J’ai donc changé ma façon de faire. Et c’est vrai que ça a marché. Je m’y prends beaucoup mieux aujourd’hui ».

 

En revanche dans certaines agences, Fabienne sait que « si tu n’as pas fait ton chiffre, tu es convoqué et ça se passe mal ». Elle a en tête l’exemple du centre voisin, « la chef met la pression aux employées [et] les a toutes fait pleurer. Résultat : l’autre jour, il y avait la moitié des effectifs en arrêt maladie. »

 

« Je n’aime pas le manque de considération et quand on ne communique pas les informations »

 

Ce que Fabienne n’aime pas dans son métier ? « Le manque de considération ». Quand on lui demande de préciser, elle nous raconte aussitôt une anecdote :

 

« Il y a deux ans, il y a eu une réorganisation et je devais être muté dans une autre agence. J’avais le choix entre deux propositions. Mais je n’avais aucune précision sur les horaires et les conditions de travail… J’ai donc demandé à mon chef de se renseigner, mais de son côté aussi, il n’arrivait pas à avoir de réponse. Finalement, on a su ce qui m’attendait trois jours avant la mutation. J’ai été informée le jeudi et j’ai été mutée le lundi suivant ! Je n’ai même pas pu avertir les clients qui me connaissaient depuis des années. Ça m’a vraiment mis mal à l’aise, au point que j’ai voulu voir un responsable haut placé pour lui expliquer mon problème.

 

« Mon directeur d’agence, m’a alors dit : ‘Fabienne, tu ne crois pas tout de même pas que le directeur régional va recevoir une guichetière !’ J’ai insisté, insisté, demandé de nombreuses fois qu’il appelle pour m’obtenir une entrevue. Et devant mon insistance, finalement, j’ai obtenu un rendez-vous téléphonique avec le directeur régional !

 

 « On a parlé un peu, et il est venu lui-même me voir après le travail. On a passé une heure et demie à discuter. Je lui ai expliqué qu’on avait le sentiment de ne pas compter, qu’on ne doit pas traiter les gens comme cela…  Il m’a écouté et j’ai été surprise de trouver en face de moi quelqu’un de très humain. A  la fin de l’entretien, il s’est dit très heureux d’avoir eu cette discussion, que ce rendez vous l’avait marqué et qu’il ne s’y prendrait plus de la même façon ! 

 

Le « manque de considération », Fabienne l’éprouve aussi lorsque des changements surviennent sans qu’elle en soit informée. « Par exemple, on ouvre son ordinateur un lundi matin et on découvre un nouveau logiciel pour la gestion du livret. Il y a eu un changement sans qu’on nous prévienne ! »

 

Ce défaut d’estime de la direction envers les employés, elle en entend parlé à chaque formation, quand elle discute avec des collègues issus de centres plus importants. Dans les gros bureaux, les chefs leurs mettent systématiquement la pression, sans les aider. Une stratégie contre-productive, selon elle : « c’est dommage ! Quand tu te sens soutenu, reconnu, tu te donnes à fond, tu abats dix fois plus de travail ! »

 

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