Comment j'ai géré l'après burn-out 

De plus en plus de salariés font des burn-out, ou épuisements professionnels. Effondrées physiquement et psychologiquement, les personnes touchées ont besoin en moyenne d'un an pour se remettre. Se reconstruire, retrouver sa confiance en soi pour retourner progressivement au travail. Tour d'horizon de l'après burn-out.

 

"Tout ça pour le travail." L'histoire d'Aude Selly* commence en août 2011. "J'étais dans le train et j'ai commencé à avoir des sueurs froides, à pleurer de manière incontrôlable. Je ne voulais pas aller au travail, il était 5 heures du matin, j'avais les yeux ouverts et je me disais, ça va être l'enfer. Je n'étais pas bien du tout. Je descends du train et je suis tétanisée, incapable de mettre un pied devant l'autre. C'est le trou noir", raconte-elle. Aude a fait un burn-out, littéralement "se consumer".

Le burn-out est un épuisement professionnel autant physique, psychique qu'émotionnel lié au contexte de travail du salarié. "On me donnait tellement de choses à faire que le soir venu, je n'avais rien réussi à faire. Je me trouvais très fatiguée. J'étais dans une dépréciation totale de moi-même, je n'avais plus du tout confiance en moi. J'ai commencé à avoir d'autres symptômes : une alimentation complètement anarchique, des soucis de concentration et de mémoire. Alors que je connaissais le nom de chaque employé, je ne savais plus comment ils s'appelaient."  En mai 2012, Aude jette l'éponge et fait une tentative de suicide. "Ce n'était pas prémédité. C'était une solution à la souffrance qui n'en finissait plus." Ensuite, il a fallu commencer la reconstruction.

 

 

Comment prévenir le burn-out ?

Plusieurs signaux permettent de détecter le burn-out. Le salarié est d'abord sujet à une fatigue intense qui n'est pas résorbée par le repos. Il perd peu à peu l'envie d'aller travailler et se lever le matin devient une réelle corvée. La dernière phase consiste au recours à des addictions (drogue, alcool, cigarettes...). "Chaque salarié est différent mais ces phases sont quasi systématiques", observe Marie Pezegrenier, psychanalyste du travail. Parallèlement, les salariés ne se nourrissent plus correctement, ne prennent plus soin de leur santé ou encore deviennent cyniques et agressifs envers leur entourage professionnel. Pour prévenir le burn-out, "il faut que les gens se renseignent, qu'ils soient moins dociles et plus avertis", conseille Marie Pezegrenier. Il ne faut donc pas hésiter à dire non, à réduire ses horaires de travail et surtout à discuter collectivement au sein de l'entreprise pour restaurer des pauses par exemple.

"L'action collective est la plus efficace. Le médecin du travail peut ainsi défendre le salarié anonymement en alertant l'entreprise sur plusieurs cas d'épuisement professionnel", affirme la psychanalyste. Avant d'ajouter :"Les salariés ont des devoirs, mais aussi des droits."

 

 

 

Se reposer et reprendre confiance en soi

 

"La reconstruction est impossible à faire seule, on a forcément besoin d'aide. J'ai été voir mon médecin traitant qui m'a orientée vers une psychologue du travail. A ce moment-là, on a commencé à travailler en trio. Avec mon médecin au niveau médicamenteux (anxiolytiques et antidépresseurs), et avec la psychologue du travail. Ce qu'il a fallu faire, c'est déculpabiliser. Comprendre que ce n'était pas de ma faute, que j'ai été victime de mon perfectionnisme, que l'entreprise ne m'avait pas donné les moyens de bien faire. Mais aussi faire une réelle introspection et du repos", explique Aude. Pour se remettre d'un burn-out, professionnels et salariés s'accordent pour avancer qu'il faut du temps. "Il faut s'extraire de l'environnement anxiogène et pour cela, il faut clairement un arrêt maladie", indique Aude. "L'arrêt maladie est en moyenne de 6 à 18 mois", confirme Marie Pezegrenier, psychologue du travail dans le centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre (92). Durant cette période, Aude a pu prendre soin d'elle, retrouver son énergie, mais surtout sa confiance en elle. Son estime de soi "récupérée", elle a enfin pu se projeter à nouveau. "Le burn-out doit être pris en charge de manière spécifique avec un lien du côté du travail : à travers le récit du salarié, il faut analyser ses conditions de travail. Puis lui faire prendre conscience qu'il donne son consentement à autant de travail, que ses objectifs sont inatteignables et qu'il ne doit pas culpabiliser s'il ne les réalise pas. C'est tout un travail de déconstruction pour se reconstruire ensuite", poursuit la psychologue.

 

 

 

Retourner sereinement au travail

 

Encore aujourd'hui, Aude consulte son psychiatre une fois par mois, pour prendre soin d'elle et se rappeler ses limites pour ne pas replonger. Elle a également repris le sport et le théâtre qu'elle avait cessé de pratiquer. "Les activités extraprofessionnelles sont essentielles pour la prévention du burn-out. Il faut une soupape de décompression, c'est une nécessité vitale pour maintenir l'équilibre entre sa vie professionnelle et privée". Après le burn-out, un suivi s'organise généralement avec une collaboration entre les médecins traitants et les psychologues ou psychiatres. "Le patient est suivi une fois par semaine ou par mois selon son état, indique Marie Pezegrenier. Avec une bonne prise en charge, les salariés reprennent soin d'eux, de leur santé, ont une bonne hygiène de vie et s'en remettent. Les trois quarts d'entre eux retournent à la vie professionnelle."

"Il faut que le burn-out devienne un épisode enrichissant pour le salarié. Cela doit lui permettre de mieux se connaître, de détecter les signaux d'alarme dans l'avenir et de connaître ses limites. Les personnes qui ont fait un burn-out s'écoutent beaucoup plus", précise Marie-France Hirigoyen, psychanalyste spécialisée dans le harcèlement moral au travail.

 

Son retour au travail ? "Il est hors de question que je retourne en entreprise", avoue Aude. "Mais je n'étais pas dans un état d'esprit de vendetta, j'étais très sereine. Chacun sent au fond de lui quand il est prêt à retourner travailler. Il n'y a pas un seul déclic", raconte Aude. Selon elle, pour ne plus chuter dans l'épuisement professionnel, il y a une question à laquelle il faut répondre : pourquoi je me suis autant investie dans le travail ? "Cette réponse je l'ai, elle est liée à ma peur de manquer financièrement et je sais que je ne pourrais jamais plus refaire la même erreur, je n'ai plus besoin de prouver quoi que ce soit." Après son burn-out, elle a décidé de changer de voie et est devenue consultante. Depuis un an, elle est consultante ressources humaines dans la protection de la santé et effectue des interventions dans des séminaires d'entreprise ou encore des colloques sur... la prévention du burn-out. "Aujourd'hui le travail est important, mais ce n'est plus ma priorité. La priorité, c'est mon équilibre et c'est grâce à lui que je suis performante." 

 

 

 

Bientôt une maladie professionnelle ?

 

Une trentaine de députés de la majorité ont signé une tribune pour faire reconnaître le burn-out comme maladie professionnelle par la Sécurité sociale le 6 décembre 2014 dans le Journal du Dimanche . « Nous demandons la reconnaissance de l'épuisement comme maladie professionnelle. Aujourd'hui cette reconnaissance est rare et le chemin pour y parvenir en fait un parcours pour le moins difficile », est-il notifié dans l'appel des députés. Les élus jugent par ailleurs « indispensable » cette reconnaissance afin que les effets de l'épuisement professionnel « soient à la charge de ceux qui en sont responsables, c'est-à-dire les employeurs ». Actuellement, le salarié touché par un Burn-out bénéficie d'un congé maladie ou d'un temps partiel pris en charge par le régime général de la Sécurité Sociale. Les députés souhaitent ainsi que le burn-out soit pris en charge par la branche « Accident du travail et maladies professionnelles » financée par les cotisations patronales. Pour ce faire, la dépression consécutive à un épuisement profond et les stress post-traumatique au travail seraient inscrits au tableau des maladies professionnelles. De son côté, le Sénat a adopté une proposition de résolution en juillet dernier. 

*Auteure du livre « Quand le travail vous tue », paru aux éditions Maxima Laurent du Mesnil

Solenne Dimofski

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